Chapitre 6 – Le second héritage

Il était plus de minuit. Helen était debout depuis pas loin de deux heures, maintenant. En comptant l’enlèvement, la course folle menée par Karl pour atteindre le meilleur service d’urgence qu’il connaissait, le CHU de Créteil, puis le temps d’attente, Jean-Marc estima qu’on allait dépasser les trois heures sans que l’intendante se soit accordé un seul instant de repos.

Karl l’avait compris lui aussi et décida d’aborder le sujet avec une de ses ruses préférées. Il revint de la cafétéria avec trois cafés, qu’il avait pris soin de charger d’une partie du contenu de sa flasque personnelle de schnaps. Il en tendit un à la suédoise qui attendait toujours, immobile et statuaire, devant la porte du service de radiologie.

— Café chargé. Tu en as besoin.

Helen renifla le breuvage qu’on prétendait, selon elle avec beaucoup d’imagination, être du café. Le parfum du spiritueux chatouilla de suite ses narines et elle en avala une première gorgée prudemment. Karl n’y avait pas vraiment été de mainmorte, mais cela lui fit du bien.

— T’aurais dû aller te faire soigner, toi aussi. C’était pas anodin, ce soir.

— Une main blessée et un orteil tordu. Rien de grave et je considère l’avoir amplement cherché, Karl. Ne vous inquiétez pas pour moi, inquiétez-vous pour elle.

Jean-Marc, assis dans un des sièges du couloir, au confort discutable, attrapa le café tendu par son époux avec un sourire qu’il réservait à lui seul, avant de poser la question la plus évidente par laquelle commencer :

— Au fait, ton amie, qui est-ce ?

Helen esquissa un très bref sourire qui disparut immédiatement sur son visage grave. Elle devinait tous les sous-entendus derrière cette simple question.

— Elle s’appelle Calliopé Meliochev. C’est la fille d’une vieille amie décédée, qui m’a fait promettre de veiller sur elle. Une tâche à laquelle il apparait que je viens d’échouer, n’est-ce pas ?

L’explication était claire, mais moins amusante que l’aurait espéré le duo, qui s’attendait à de savoureuses révélations romantiques et éventuellement sexuelles ; après tout, avec Helen, c’était un sujet on ne pouvait plus coloré quand elle l’abordait. Karl décida cependant qu’il serait de bon ton de secouer un peu la Suédoise, à défaut de la distraire ; Jean-Marc pensait exactement la même chose, mais se fit damer le pion :

— Échouer ? Ach Gott, si tu appelles ça échouer, alors on a été nuls, ma vieille ! Elle a été blessée et on a dû la conduire à l’hosto, soit. Mais ces types en avaient après elle, au moins voire plus qu’après toi, de ce qu’on a vu ; et j’ai aucun doute qu’ils étaient pas du genre galant. Je te fais la liste de ce qu’elle aurait subi sans notre intervention ou tu imagines toute seule ?

Helen, toujours debout, une main appuyée sur sa canne, ce qui soulageait son pied, l’autre tenant son café au schnaps, finis par opiner de la tête :

— Vous avez raison, en effet ; j’apprécie votre sagesse qui ne mâche jamais ses mots. Mais la responsabilité de son état me revient toujours et je vais devoir en assumer la culpabilité.

Jean-Marc insista :

— Oublie ça, Helen. Oui, tu es responsable, oui, c’est donc comme ta filleule et une promesse est une promesse. Mais tu l’as tenue. Et si cela peut te déculpabiliser, je t’enverrai la facture des frais de notre intervention. Surtout que dans quelques heures, on va devoir assurer quelques autres frais de justice.

Le vétéran, vieilli par ses lunettes qu’il avait replacées sur son nez pour profiter –vainement vu leur contenu- des revues à disposition dans le couloir, prit le temps d’une pause pour avaler une gorgée de café avant de reprendre :

— Par contre et pas parce que les cognes vont d’ici peu nous bombarder de questions, mais par curiosité prudente, ils voulaient quoi, ces gus ?

— Cela a été une surprise fort désarmante, Jean-Marc. Ils désiraient retrouver un ancien bijou de collection, pour un commanditaire, de toute évidence. Un pendentif appartenant à la maman de Calliopé et dont je suis dépositaire afin de le lui remettre quand cette dernière aura pris pleinement connaissance du second héritage de sa famille.

Karl fronça les sourcils :

— Das ist eine undurchsichtige Erklärung.

— Oui, Karl, je sais que c’est une réponse brumeuse. Est-il réellement nécessaire que je la développe plus avant ?

— Ja ! lâcha l’allemand sans hésiter. Jean-Marc appuya dans la foulée d’un : Il va falloir un peu, quand même.

Helen retint un autre soupire, toujours le regard rivé sur cette damnée porte qui refusait de s’ouvrir pour lui apporter une nouvelle, quelle qu’elle fût :

— Le pendentif est un ancien objet de collection, disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Officiellement, tous ses propriétaires de l’époque sont morts et il a été considéré disparu comme tant d’autres œuvres d’art et d’histoire durant cette si terrible période. Mais en l’occurrence, il était au sein de la famille Meliochev, en Roumanie, ce qui ici est une très longue et toute autre histoire. Dans les faits, ce bijou n’a pas de prix ; il n’est d’ailleurs aucunement marchandable sans l’appui d’un excellent réseau de trafic d’art et, même ainsi, je ne suis guère assurée qu’il trouverait acquéreur, sauf quelque excentrique fortuné qui à son tour le ferait disparaitre pour le demi-siècle à venir. Il m’est toujours apparu finalement de bon aloi qu’il reste la possession de la mère de Calliopé et que ce soit à elle de décider par la suite quoi en faire.

— Donc, commenta Jean-Marc, tu connais sa valeur réelle et tu sais à qui il a appartenu avant la guerre, c’est cela ?

— Tout à fait, mon ami. J’ai pourtant présumé avec un orgueil bien coupable que personne ne savait ce qu’il était advenu de lui et, qu’ainsi donc, il ne constituait un danger en rien. Je me suis terriblement fourvoyée.

Au loin, des sirènes hurlantes firent entendre leur mugissement sinistre, avec assez de force pour parvenir aux oreilles du trio tout à sa discussion. Karl leva les yeux au ciel :

— Ach… je crois qu’il est l’heure des ennuis, mon amour.

Jean-Marc se leva en soupirant lourdement :

— Ouais… Helen, on te fera gagner autant de temps que possible pour que tu puisses rester au chevet de ton amie, mais ça pourrait ne pas durer. On te tient au courant dès que nous aurons pu faire venir nos avocats et avoir le droit aux coups de fil.

— Vous êtes sûr que cela ira ? J’ai quelques connaissances qui pourraient éventuellement faciliter ces problèmes judiciaires en haut lieu.

— Merci Helen. Je ne dis pas non, mais ne t’en fais pas, on a nos appuis là où il faut, ça devrait bien se passer. Courage de ton côté. Quant à nous, chéri, allons dire bonjour aux flics, c’est l’heure !

 

***

 

Calliopé ouvrit les yeux, constatant avec soulagement que cela ne lui demandait pas un effort surhumain, qu’elle pouvait voir et qu’elle n’avait, surtout, pas de sac sur la tête. Certes, fixer le plafond d’une salle de réveil entrait dans la catégorie des plus mornes spectacles qu’on pouvait connaitre, mais elle avait connu pire ; par exemple les murs de brique nue d’une cellule glacée au fin fond d’un repaire d’insurgés afghans.  Six semaines dans une geôle de trois mètres carrés, en termes de morosité ravageuse, on ne faisait pas mieux.

Un gobelet en plastique vint occuper une partie de son champ de vision, tenu par une main élégante prolongée d’une manche de chemisier de soie à boutonnière dorée.

— Helen, commenta Calliopé. Ce n’était pas une question, mais une évidence. Il n’y avait qu’elle qui pouvait se tenir à son chevet à cet instant.

— Je suis là, Calliopé. Tout va bien. On m’a précisé que vous aviez permission de boire, bien qu’il vous faudra patienter pour manger ; dans l’immédiat c’est déconseillé.

Helen était penchée au-dessus du lit. Elle avait parlé à voix basse et Calliopé réalisa qu’il faisait nuit, ce qui voulait dire qu’Helen avait dû négocier pour avoir le droit de lui rendre cette visite. Dans les hôpitaux, les visites nocturnes, ça ne se faisait pas en général.

L’intendante avait les traits tirés et ne pouvait cacher sa fatigue. Fait rare, de la poussière adhérait encore à son veston et son chignon était un peu défait. Calliopé ne se souvenait pas l’avoir vue un jour aussi négligée. Elle commenta, la voix un peu chevrotante :

— Tu devrais aller dormir, tu as une sale tête.

— Ne cherchez pas à me taquiner, mademoiselle, répondit, dans un sourire on ne pouvait plus tendre, Helen. Sinon, je vais chercher un miroir pour vous laisser juger de votre propre état. Comment vous sentez-vous ?

— Une sorte de douloureuse impression de déjà-vu, comme si je ressortais pour la seconde fois de la carlingue de l’avion.

Calliopé fit une pause pour prendre le verre d’eau, mais peine perdue. Helen se pencha encore et avec un « tût tût tût » autoritaire, lui donna à boire elle-même, débordant autant de tendresse que d’assurance. La Roumaine se retint de râler, elle garderait cette énergie-là pour plus tard et reprit :

— Mais tu devrais… quand même aller dormir. Je voudrais juste savoir… il m’est arrivé quoi ?

— Un bon coup sur la tête et une commotion cérébrale. Rien de bien conséquent, mais vos anciens traumatismes crâniens ont interféré avec le choc et aggravé la commotion.

— Tu leur a dit que j’avais pris un avion sur le crâne ?

— Cela et que j’étais incapable de dénombrer avec exactitude combien de fois vous aviez pu vous blesser ou vous assommer au cours de vos aventures archéologiques. Mais les radios purent leur fournir une assez juste estimation médicale. Votre médecin m’a assuré que vous alliez bien et que vous ne serez gardé en observation que 24 heures. Bien entendu, il serait judicieux à l’avenir d’éviter les coups sur la tête ; mais je me vois mal vous tenir rigueur de celui que vous avez reçu…

— C’étaient qui ces types, s’exclama Calliopé, brusquement agitée ?!

Helen posa sa main entre ses seins pour la retenir, penchée sur elle :

— Chuut… Calliopé, allons ; ne faites pas plus l’enfant que la vengeresse, l’heure n’est pas à ces égarements. Je vous promets de vous expliquer tout en détail de ce malheureux incident et de son heureux dénouement. Mais pour l’heure, vous devez vous reposer. Quant à moi, je vais être attendue à la première heure, si ce n’est dans l’immédiat, par les forces de l’ordre qui souhaiteront vivement mon témoignage.

— Mais… je dois savoir, répondit Calliopé dans un murmure.

Elle posa sa main sur celle d’Helen, entrainant dans le même mouvement les fils des électrodes du scope et les tubulures de ses intraveineuses, ce qui lui remit clairement à l’esprit qu’elle était bel et bien dans un lit d’hôpital et dans un état déplorable, mais qu’il n’y avait sans doute pas de meilleures conditions pour faire ce qu’elle allait tenter. Elle ferma les yeux, sourcils légèrement froncés. Helen fut d’abord décontenancée par le geste puis soulagée que Calliopé, les yeux clos, ne puisse apercevoir son propre changement de regard à l’éclat soudainement trop ému, trop attendri. De ces reflets de l’âme qui, par la suite, imposent des explications compliquées et maladroites.

Le moniteur cardiaque de la roumaine se mit soudain à biper, signalant une modification notable des constantes de sa patiente et, tout de suite après, il s’affola en chœur avec Helen. Tous les tracés du scope étaient pris d’une frénésie dont l’intendante ne comprenait rien, mais qui étaient forcément un très, très mauvais signe. L’appareil se mit à hululer une alarme en confirmation. Et Calliopé, toujours immobile, serrait désormais sa main à sembler vouloir la broyer, le front plissé par ce qui pouvait tout aussi bien être un effort de concentration intense que le signe d’une souffrance magistrale.

L’interne de service, une métis trentenaire imposante aux épaules de judoka, déboula comme une furie, suivie par une infirmière qui faisait un peu format crevette en comparaison. L’interne aboya bien entendu à Helen de dégager l’espace ; celle-ci voulut obtempérer, mais peine perdue : Calliopé serrait frénétiquement.

— Ma main ! Elle refuse de lâcher ma main !

Aux grands maux les grands remèdes, l’interne et l’infirmière vinrent pour prêter main-forte, ce qui, au premier abord, ne suffit pas et décida la métisse à aller chercher les grands moyens chimiques d’autant que, de toute évidence, ce qu’elle voyait sur le scope de Calliopé affolait un peu ses décisions. Un chiffre, surtout, donnait le vertige : 230 pulsations cardiaques par minute.

Mais elle n’eut pas le temps d’atteindre le tiroir aux seringues d’urgence. Calliopé se cabra d’un coup dans une violente convulsion, qui cessa en moins de trois secondes, en même temps que chutaient à des niveaux plus acceptables toutes les constantes de la Roumaine.

— Dehors, madame ! Dehors !

Helen entendit l’injonction comme dans un rêve brumeux et y obéit sans discuter, abasourdie par le choc. Elle ignorait complètement ce qui s’était passé, mais…

… mais quelque chose dans son intuition lui hurlait que le phénomène avait été délibérément déclenché par Calliopé et que cette dernière avait poursuivi un but précis. Elle se demanda si elle devait en être rassurée, du point de vue médical tout du moins, ou s’affoler que la jeune femme puisse volontairement pousser son propre corps à de telles extrémités.

Helen poussa un soupir si lourd qu’il sembla s’approcher d’un sanglot, ce qu’il était d’une certaine manière, mais elle n’allait pas céder plus avant à un si inutile élan de frustration et de peur ; elle avait au contraire besoin de s’assurer de garder la tête froide et les idées au plus clair au vu du programme qui l’attendait. Pour l’heure, elle allait donc encore patienter pour connaitre le bilan de cette dernière et mystérieuse péripétie médicale de sa protégée et remettrait à plus tard ses projets de sommeil, car elle devait s’occuper du volet judiciaire et policier de l’affaire. Surtout qu’elle savait qu’il y avait un adorable couple serviable et fidèle dont le sort dépendait en grande partie de sa diligence à s’acquitter de sa tâche.

 

***

 

L’inspecteur Duperez fut fort péniblement et désagréablement réveillé au petit matin par son téléphone, pour apprendre qu’une drôle d’affaire venait de rejoindre directement l’un de ses dossiers en cours. Celui du cambriolage sans vol qui, à part éveiller quelque peu sa propre curiosité de vieux flic, n’avait dans les faits tellement pas d’intérêt qu’il s’attendait à ce que son supérieur lui ordonne de boucler ce truc et passer à des choses sérieuses. La rentabilité de traitement des dossiers, notion désormais primordiale dans la police nationale, était une préoccupation que le quarantenaire assimilait avec beaucoup de mauvaise volonté.

Mal réveillé, Duperez avait du mal à suivre au bout du fil le gars identifié comme un officier de la centrale de police de Créteil :

— Attendez, attendez, laissez-moi avaler une gorgée de café. Il posa le smartphone sur le tablier de sa cuisine minuscule, en mode haut-parleur. Les mains libres, il pouvait enfin s’occuper de faire fonctionner le seul appareil culinaire de la pièce : un percolateur.

— Donc, vous me dites qu’elle a été enlevée ?

— Oui, avec une certaine… heu… Helen Johanssen, témoin dans votre affaire, non ? Mais c’est pas le plus incroyable. Elles ont été libérées, alors qu’on venait de recevoir un signalement en cours et que le RAID était parti ! Par des putains de pédés !

— Des gays.

— Hein ?

— Pas des putains de pédé, des gays et à mon avis le détail n’est pas pertinent pour l’enquête. Comment ont-ils fait ?

— Mais, ça vous choque pas, vous, un couple de pédés mariés qui font une descente en arme sur un gang ?

— Non, ça ne me choque pas, il faut un niveau nettement plus élevé d’éléments dramatiques pour me choquer. Ce qui par contre me rend perplexe, c’est que vous insistiez à parler de pédé et à me faire partager votre avis que ça vous choque. Parce que je n’en ai rien à foutre. Je veux des faits. Et j’arrive à Créteil dans trois quarts d’heure. Ça va m’épargner vos remarques.

— Sale pé *clic*

Duperez ferma les yeux dans un soupir de plaisir après avoir coupé la communication, le silence du petit matin seulement perturbé par le bruit sifflant de la tuyauterie de son percolateur qui faisait couler un café serré.

Finalement, la journée ne commençait pas si mal que ça.

 

***

 

L’horloge du bureau sis au deuxième étage du vaste hôtel de la police nationale de Créteil indiquait 7h25. La journée commençait à devenir fort longue pour Helen, qui frottait sa main endolorie. Et elle songea distraitement que quand elle quitterait ses escarpins, surtout le gauche, ce serait un moment assez pénible à vivre. Duperez était dans le bureau adjacent au secrétariat, en train de se débattre avec la photocopieuse. À côté d’elle, Maitre Bruck, avocat pénal et un des clients de son agence de service domestique, sirotait le café local, qu’Helen, quant à elle, avait renoncé à boire.

— Donc nous sommes bien d’accord, dit-il en conclusion : c’est bien vous qui avez appelé à l’aide les époux Lapartin quand vous avez été enlevé par vos ravisseurs ?

Helen opina :

— Oui et, plus précisément, j’ai activé une balise GPS dissimulée dans ma canne à cet usage.

— Mais les époux Lapartin ne sont nullement enregistrés comme société de sécurité privée ou de protection des personnes ?

— Non, ils travaillent dans une agence de conseils et formation sécurité et intervention. Ils forment en fait les agents de sécurité privés et les gardes du corps.

— Hm… le statut juridique va devoir être vérifié. Je veux dire par là que nous devrons prouver qu’ils avaient les moyens et autorisations légales de faire cette intervention.

Helen grimaça un bref instant :

— Je suppose, à ma connaissance, que leur action est hautement illicite au regard des lois, n’est-ce pas ?

— Je serai tentée de faire une réponse de normand : oui et non. Au regard de la loi, c’est strictement illégal et pourrait être reclassé criminellement. Au regard de la justice, ils ont répondu à votre appel de détresse et on fait un usage de la force proportionné dans un cadre qui reste discutable vis-à-vis de la légitime défense, mais tout à faire valide en prenant en compte l’assistance à personne en danger.

Helen releva les yeux pour fixer le petit homme, au visage rond et poupin, mais au regard particulièrement perçant derrière ses élégantes lunettes d’écaille :

— Que risquent mes amis de m’avoir sauvé, en conclusion ?

L’avocat eut un grand sourire :

— Rien qui ne puisse vous inquiéter dans l’immédiat. Nous les aurons fait sortir avant ce soir, je connais leurs avocats, ils sauront très bien s’y prendre et je vais grâce à votre témoignage pouvoir leur prêter main-forte. Bien sûr, il y aura des conséquences et une procédure judiciaire jamais agréable, sans doute du sursis, des amendes, un contrôle judiciaire, mais rien qui ne puisse véritablement leur porter préjudice. Et puis avec quelques emails, nous pouvons fort bien en faire des héros, madame Johanssen.

Helen esquissa une autre grimace, reprenant juste après, avec un sourire, son irrésistible flegme anglais. Salomon Bruck n’avait jamais pu se faire à la beauté parfois irréelle qui pouvait se dégager de cette femme et de son si parfait et élégant self-control. Elle regarda par-dessus l’épaule de l’avocat, voyant Duperez enfin vainqueur de l’abominable machine, revenir avec les documents photocopiés à parapher. Elle conclut :

— Ils furent des héros, méconnus comment le sont tant de soldats et ils furent aussi des bourreaux comme le sont tous les héros tôt ou tard. Évitons-leur toute publicité qu’ils ne réclament pas.

Salomon, qui connaissait bien sa cliente –elle avait assuré avec une perfection sans faille l’éducation de ses deux enfants alors que père célibataire, il était lui-même dépassé- hocha la tête et rajouta :

— Ils sont donc comme vous, et vous n’avez jamais aimé qu’on parle trop de vous.

Helen acquiesça avec un sourire. Duperez posa la liasse de papier et s’installa au bureau :

— Plus que des signatures à faire, Madame Johanssen et c’en sera fini. Enfin, pour le moment, car après cela, mon dossier de cambriolage chez madame Meliochev vient de remonter en haut de ma pile et je n’ai plus aucun chef qui va insister pour que j’enterre cette histoire au plus vite !

Il semblait, malgré sa lassitude, ravi d’annoncer cette nouvelle. Helen évita de montrer que vu ce que cachaient ces événements, elle était nettement moins enthousiaste que cet inspecteur.

 

 

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